Les brûlures profondes par agents basiques : évaluation d’une stratégie chirurgicale en deux temps

Publication date: June 2018

Source: Annales de Chirurgie Plastique Esthétique, Volume 63, Issue 3

Author(s): F. Devinck, C. Deveaux, Y. Bennis, V. Deken-Delannoy, M. Jeanne, V. Martinot-Duquennoy, P. Guerreschi, L. Pasquesoone

Résumé

Introduction

Les brûlures chimiques sont rares mais entraînent des lésions cutanées souvent profondes. Les agents basiques possèdent un pouvoir pénétrant fort et prolongé, provoquant des brûlures évolutives sur plusieurs jours. Le traitement local de ces patients est chirurgical associant excision et couverture par greffe de peau mince. Réalisées précocement dans un contexte d'agent chimique, ces greffes sont de prise difficile, retardant la cicatrisation. Nous proposons donc pour ces patients de différer la greffe de peau mince, 10 jours après l'excision de la brûlure. Nous présentons une étude comparative originale et nouvelle pour évaluer notre stratégie chirurgicale en deux temps.

Matériel et méthodes

Nous avons réalisé une étude rétrospective des patients victimes de brûlures profondes par agents basiques pris en charge dans le centre des brûlés de Lille. Les caractéristiques épidémiologiques et les modalités de prise en charge chirurgicales ont été étudiées sur dossier. Nous avons comparé la durée de cicatrisation et le taux de lyse de greffes de peau chez les patients ayant bénéficié d'une couverture initiale (témoins) ou secondaire (cas) après excision. Cette comparaison a été possible après appariement sur l'âge et le sexe.

Résultats

Notre population a inclus 25 témoins et 16 cas. Les hommes étaient majoritairement atteints avec un âge moyen de 41,9 ans. Les brûlures étaient localisées dans 78 % des cas aux membres inférieurs. Le délai entre la brûlure et l'excision était en moyenne de 16,5 jours. Chez les cas, la greffe de peau mince était réalisée en moyenne 11,3 jours après l'excision initiale. Nous n'avons pas mis en évidence de différence significative entre les deux groupes pour la surface corporelle totale atteinte, la topographie des brûlures et l'agent causal. La durée de cicatrisation était significativement plus courte chez les cas par rapport aux témoins (37,5 jours vs 50,3 jours ; p < 0,025). On observait de plus une diminution du nombre de lyse de greffes chez les cas par rapport aux témoins (13,3 % vs 46,7 % ; p = 0,059).

Conclusion

Notre étude montre l'intérêt d'une stratégie chirurgicale en deux temps chez les patients victimes de brûlures par agents basiques. L'excision dite précoce associée à la réalisation d'une greffe de peau mince dans un second temps permet une cicatrisation plus rapide et diminue les risques de lyse de greffe.

Summary

Introduction

Chemical burns are rare but often lead to deep cutaneous lesions. Alkali agents have a deep and long lasting penetrating power, causing burns that evolve over several days. The local treatment for these patients is excision of the wound and split thickness skin graft. Early excision and immediate skin grafting of alkali burns are more likely to be complicated by graft failure and delayed wound healing. We propose a two-step method that delays skin grafting until two-three days after burn wound excision.

Results

Our population included 25 controls and 16 cases. Men were predominant with a mean age of 41.9 years. In 78% of cases, burns were located on the lower limbs. The mean delay between the burn and excision was 16.5 days. In cases, the skin graft was performed at a mean of 11.3 days after the initial excision. We did not unveil any significant difference between both groups for the total skin surface affected, topography of the burns and the causal agent. Wound healing was significantly shorter in cases vs controls (37.5 days vs 50.3 days; P < 0.025). Furthermore, we observed a decreased number of graft failures in cases vs controls (13.3% vs 46.7%; P = 0.059).

Conclusion

Our study shows the relevance of a two-step surgical strategy in patients with alkali chemical burns. Early excision followed by interval skin grafting is associated with quicker wound healing and decreased rate of graft failure.